Jacques de Falaise: Le polyphage

« Jacques de Falaise, que tout Paris a été à même de voir, avalait des anguilles, des oiseaux, des souris vivantes; une pipe, des noix, une montre; et même introduisant dans son estomac, une lame de sabre de dix-huit pouces de longueur 1« 

Aux heures de gloire du théâtre Comte situé rue de Grenelle-Saint-Honoré à Paris (correspondant de nos jours à la partie sud de la rue Jean-Jacques Rousseau) un artiste au talent particulier se fit connaître.

Son nom: Jacques Simon alias Le polyphage (littéralement : celui qui mange tout). Il serait né en 1754 à Falaise (Calvados), ce qui expliquerait le fait qu’il se faisait également appeler Jacques de Falaise.

Jacques de Falaise portrait
Jacques de Falaise et ses animaux de compagnie..! Gravure extraite de Notice sur Jacques de Falaise Source: gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Comme nous l’indique une notice biographique publiée de son vivant (en 1820), Jacques Simon aurait d’abord travaillé comme ouvrier dans les carrières de la ville de Montmartre avant de découvrir à l’âge tardif de 60 ans2, son talent qui se traduit par la possibilité d’avaler tous les objets qui lui sont donnés. Il s’aperçoit de ce « don de la nature » par hasard, en cachant le médaillon d’une amie qui se mariait, et qui jouait ainsi à le retrouver. Pour que cette amie ne retrouve pas si aisément le précieux bijou, Jacques Simon choisit de l’avaler, sans ressentir après coup la moindre gêne due à cet acte2. Il retenta par la suite l’expérience avec d’innombrable objets dont la liste complète serait difficile à établir.

 

C’est ainsi qu’il se lança dans une carrière artistique et se présentait en train d’avaler une pipe, une épée de 50 centimètres avant de la ressortir, des clefs, des bagues, ou encore une rose couverte d’épines. Puis, comme pour faire évoluer son numéro, il se mit à avaler quantité d’animaux vivants à l’instar d’anguilles, d’écrevisses ou de souris. Il acquit rapidement une certaine notoriété et fut engagé par Louis Comte dans son théâtre comme nous l’évoquions, au moins par deux fois en 1816 et en 1820. Il côtoya également certains grands prestidigitateurs de l’époque comme ce fut le cas à Nantes en 1827 où il se présentait aux côtés de Jules de Rovère3.

Jacques de Falaise gravure le polyphage
Un aperçu des objets avalés par le Polyphage – Le Bon Genre n°95 – Collection Thibault Ternon

Mais ses performances aussi extraordinaires fussent-elles ne furent pas sans conséquences, et il dut passer deux séjours à l’hôpital. Les médecins l’incitèrent et réussirent à le convaincre de se reconvertir et à ainsi de stopper ses dangereuses activités artistiques. Il fut alors engagé à l’hôpital de Beaujon où il mettra fin à ses jours le 30 mars 1825, l’ayant retrouvé pendu dans l’un des couloirs.

Le docteur J. P. Beaudé procéda à l’autopsie du corps de l’ancien artiste pour étudier le phénomène qu’était Jacques de Falaise et en fit un Mémoire sur un cas de Polyphagie, suivi de considérations médico-légales sur la mort par suspension. Un court résumé de cet examen médical figure dans le tome 3 de la Revue médicale française et étrangère4. Une courte notice biographique de quelques pages, dans laquelle son portrait est reproduit, parut sous le titre de Notice sur Jacques de Falaise, ses habitudes, sa nourriture et les moyens qu’il emploie pour conserver sa santé5

 


Chaponnier, « Chapitre VIII: De la digestion », in La physiologie des gens du monde, pour servir de complément à l’éducation, Paris, F. Didot frères, 1829, p. 144.

2 in Notice sur Jacques de Falaise, ses habitudes, sa nourriture et les moyens qu’il emploie pour conserver sa santé, Paris, Impr. de Ballard, 1820, p. 1.

« Spectacle de M. Jules Rovère », L’Ami de la Charte, 19 mars 1827, vol. 9, no 1397, p. 4.

4 « V° Notices bibliographiques », in Revue médicale française et étrangère et journal de clinique de l’Hôtel-Dieu et de la charité de Paris, Paris, Gabon et compagnie, 1826, vol.3.

5 Notice sur Jacques de Falaise, ses habitudes, sa nourriture et les moyens qu’il emploie pour conserver sa santé, Paris, Impr. de Ballard, 1820, 20 p.

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